Affiche, mon amour…

J’ouvre ce blog avec un premier article autour d’une critique d’affiche que j’ai proposé à un blog cinéma (tourné vers l’horreur). Je ne suis pas fan d’horreur, mais ma passion pour l’affiche n’est pas pour autant limitée. L’affiche est mon support de communication favoris, j’en suis amoureux. Je trouve les affiches absolument fascinantes et c’est pour ça que j’adore les critiquer, c’est également pourquoi je suis souvent très difficile avec ce qui se fait sur les blockbusters, car j’aime ces films et car j’aime voir de belles affiches. Cela pendant toute la promo, pas seulement au début et à la fin pour le poster IMAX par exemple, mais je sais qu’il y a cette fichue contrainte de faire apparaître un maximum d’acteur et surtout montrer leur visage…

L’affiche au cinéma est souvent le premier élément qui va entamer le rapport entre le public et l’oeuvre. Son idée est de donner envie d’aller voir l’oeuvre présentée, cela va forcément toucher un certain public mais la cible visée est plus large (ça fait plus d’entrée si on réussit à intéresser un public différent). Ce public différent, j’en fait parti. En ce sens, j’apprécie l’observation de ce support de communication qu’est l’affiche, et j’essaie de comprendre si elle fonctionne ou pas. Voir si une affiche me plaît à tel point que je suis prêt à aller voir le film (exemple : Love & Mercy, Inherent Vice, Kumiko the treasure hunter, Red Army, et j’en passe).

Est-ce que vous vous êtes déjà demandé pourquoi vous aimiez ou vous n’aimiez pas une affiche ? Comme dans une oeuvre artistique, il y a une technique derrière et des choix, qui influent le message qui va être véhiculer. Ici on va parler de design dans le sens où le travail de l’affiche a un but précis, vendre un produit/une œuvre/un service, donc on peut questionner l’efficacité d’un poster. On va essayer de voir si le message passe avec celle de Conjuring 2 : le cas Enfield, film qui va sortir bientôt donc je n’ai aucune connaissance de l’oeuvre. Ici l’affiche américaine.

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Ma dernière expérience d’horreur au ciné

Conjuring : les dossiers Warren fût le dernier film d’horreur que j’ai vu (j’avais pas le choix !), et il faut avouer que j’ai eu bien peur (oui vous pouvez rire) ! J’étais littéralement accroché à mon fauteuil, j’ai battu des records d’apnée, détourné le regard……bref j’avais qu’une envie : sortir et me faire un dessin animé joyeux pour me rassurer. Cependant, j’ai tenu et j’avoue qu’à la fin de la séance j’étais vraiment content d’avoir vu le film, en me promettant de ne plus en revoir, c’est vraiment pas le genre de sensation que j’apprécie sur le moment.

J’avais donc, avant de voir le film, observé l’affiche du film et c’était vraiment un beau travail de suggestion.

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Le ton sépia, le grain de l’image, la maison en arrière-plan au centre, cet arbre sans feuille avec le nœud, et l’ombre d’une fille pendue qui est absente. Ombre qu’on ne voit pas de suite, avant de se rappeler qu’il n’y a pas de corps et c’est le genre de détail qui font qu’une affiche de film fonctionne. Le public est impliqué de suite, une interaction se construit.

On attaque l’affiche en question ?

L’affiche de ce second volet dégage quelque chose de complètement différent et c’est un premier point intéressant à noter, de ne pas se reposer sur des acquis. Malgré tout, on verra que des éléments reviennent.

Tout d’abord on voit que c’est une affiche se reposant sur la photographie, comme pour le premier (ou beaucoup d’affiche moderne) ça permet une première immersion du public. Quatre éléments graphiques importants se démarquent : le décor qu’est la pièce, la main en premier-plan , la petite fille au centre et un dernier élément que je vais aborder après.

Le décor

Avant de parler du premier-plan, on va très vite évoquer le décor. On est donc face à une pièce sombre, avec une brume au sol. Un ton bleu, très froid. Le papier peint craquèle, ce qui indique l’humidité et la désuétude du bâtiment, des débris au sol. Tout ces éléments montrent un déséquilibre dans l’environnement, un premier danger. Un lieu auquel on ne peut pas se fier, distanciant et inamical, prêt à s’écrouler et mettre en péril la vie des protagonistes.

 

La protagoniste

On voit ensuite cette main droite, oui le sens a toujours son importance. Cette main est celle de Vera Farmiga, qui joue Lauren Warren (l’indice a été cette bague indonésienne) mais le chapelet est ce qui va nous le prouver. En effet c’est l’outil mis en valeur, qui est synonyme d’arme face au Mal. On déduit donc que c’est le protagoniste qui est présent et que c’est l’un des outils qui va lui permettre en partie de se battre contre le danger auquel elle fait face, du moins cela représente la manière dont elle va se battre. Le public doit de suite savoir qu’il s’agit d’un film d’horreur, quoique de mieux et autrement qu’avec la typo (j’y reviens plus tard) pour le faire ? Le chapelet entoure la main comme une force protectrice et avec au bout une croix latine qui pend, et qui va amener le regard du public vers un des autres éléments graphiques de l’affiche.

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Le corps du personnage est placé à gauche, si on étire un peu la réflexion on peut rapporter cela à l’attachement de Lauren Warren au passé, à travers les techniques qu’elle utilise mais si on est plus logique c’est pour mettre en valeur et placer au centre cette main droite. La main droite qui n’est pas anodine, puisque la gauche a toujours été associée dans le christianisme au Mal, et on est ici face à des événements lié à la mythologie biblique.

Le personnage de Vera Farmiga pourrait se précipiter vers la petite fille au centre, mais non on la voit immobile, tenant ce chapelet car la fille n’est plus elle-même, elle ne peut pas s’en approcher, cela ne sera pas utile, elle sait qu’elle doit utiliser les sciences occultes pour y arriver (ce n’est pas une surprise me direz vous mais ça indique le rapport entre ces deux individus, son instinct maternelle face à cette petite fille en péril)

La personne en « détresse »

On a ensuite au troisième plan au centre la silhouette de la petite fille au bord d’une fenêtre semblant prête à sauter. On arrive à cette fille grâce à la diagonale créée par la main dirigée vers la droite, puis par les perles tendues du chapelet avec la croix au bout. En plus de cela, on note également la perspective de la pièce dont les lignes de la pièce (fenêtre, plafond) mène vers cette petite fille. C’est là où on voit comment une image n’est pas seulement là pour présenter des éléments visuels mais pour raconter quelque chose. Il y a un cheminement qui est construit par le designer graphique, ce n’est pas laissé au hasard.

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La croix est un élément récurrent ici, même si c’est moins flagrant, la pose de la fille montre une similitude.

La fille est assombrie par l’effet de contre-jour, elle cache le soleil qui est la seule source de lumière et de chaleur. La seule source qui peut réellement nous rassurer dans cet environnement inquiétant, mais qui est volontairement masquée. À travers les fenêtres on peut voir un ciel nuageux et des arbres dénués de feuilles, dont les branches suivent les directions des bras de la jeune fille. Encore une fois chaque élément est là pour souligner un autre élément.

L’antagoniste

Vous aurez remarqué que j’ai volontairement sauté le second plan, et pour cause il s’agit là du troisième « individu » de l’affiche, qui comme l’ombre de la fille dans l’affiche du premier film, n’est ici pas de suite visible, un but ici peut-être de surprendre vu comment les deux autres personnages étaient clairement visible. Il s’agit du fantôme, à en juger par son visage, d’une none en tenue, avec une croix autour du cou (la croix revient pour chacun des personnages).

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Ce qui est intéressant de noter ici c’est que le seul visage de cette affiche est celui de cette none. Celui de l’antagoniste , qui est placé à droite. La droite comme le danger à venir, le futur que va devoir affronter le personnage de Vera Farmiga, en opposition avec le lien au passé qu’on lui a attribué en la positionnant à gauche.

En gros

En observant les personnages présentés dans l’affiche, on voit qu’il s’agit de trois femmes, et qu’on construit une trinité (le sauveur, la victime et le danger), encore en référence à la mythologie biblique inhérente à ce film. Ces trois éléments nous résument autour de qui va se construire ce film, et l’environnement dans lequel les événements vont se dérouler.

Mon avis dans tout ça ?

Je ne suis absolument pas fan de l’affiche, pourtant après tout les détails que je vous ai donné et qui montre sa construction correcte vous pouviez penser le contraire. Cette affiche n’a pour moi plus le point le plus important d’une affiche : la suggestion. Comme je l’ai dit, l’affiche du premier film ne dévoile rien, ne montre rien mais suggère, laisse planer un mystère, créer une ambiance qui va interroger le public. Le public observe la scène et tombe sur cette ombre, puis se rend compte que l’ombre n’a pas de corps. Et hop, on augmente encore un peu l’inquiétude du public. Ici je trouve que l’affiche nous montre de suite les trois éléments important du film : qui est le protagoniste, qui est l’antagoniste et qui est la victime en danger immédiat. L’antagoniste, même s’il aura sans doute plusieurs aspects, a ici un visage. Le public a un premier aperçu direct de ce qu’il pourra voir dans le film. L’imagination est mis de côté et c’est dommage ! On ne le sait pas encore mais cette scène est peut-être une scène importante du film, auquel cas c’est encore plus dommage puisqu’on saura à quoi s’attendre lorsqu’elle apparaîtra dans le film. C’est une affiche qui marche, qui communique correctement, qui fait le boulot pour tout de suite parler à son public et attirer les gens à voir le film. Cependant, ce n’est pas pour moi une belle affiche. Et vous, vous avez pensé quoi de l’affiche ?


Point typo :

typo

C’est une garaldes (le nom d’une famille typographique, dont fait parti le Garamond que vous devez tous connaître !). C’est une reprise de la police de caractère du premier mais on a ici une typo de couleur gris bleu (en cohérence avec l’environnement). Ce qui est surprenant est qui m’a plu dans le premier c’est que le designer n’a pas utilisé le Trajan, une typo bien connu dans les affiches de film d’horreur, notamment les remakes tout comme le Bank Gothic pour les films pêchus (SF, action, etc).  Cette incise qu’est le Trajan permet de ne pas chambouler les repères du public, habitué à voir cette typo pour ce genre de film, et le garalde présent ici se distingue légèrement sans déranger le regard du public. Ce qui me dérange le plus c’est cette texture de métal brossé très tape-à-l’oeil, en cohérence avec le traitement photographique et la composition de l’image c’est vrai mais……vous êtes expert vous me le direz dans les commentaires pour moi les suites ça souvent été « Cette fois on fait une suite et ça va taper plus fort », c’est cette impression que j’ai, qu’on perd l’ambiance du premier et qu’on arrive à quelque chose de plus bourrin, peut-être plus vulgaire (moins subtil) et moins inquiétant. La typo va avec le reste mais contribue à faire de l’affiche un travail absolument inintéressant selon moi.